Le phaéton d'une voiture à
foin
Vit son char embourbé. Le pauvre homme était loin
De tout humain secours : c'était à la campagne,
Près d'un certain canton de la basse Bretagne,
Appelé Quimper-Corentin.
On sait assez que le
destin
Adresse là les gens quand il veut qu'on enrage:
Dieu nous préserve du
voyage!
Pour venir au chartier embourbé dans ces lieux,
Le voilà qui déteste et jure de son mieux,l
Pestant, en sa fureur
extrême,
Tantôt contre les trous, puis contre ses chevaux,
Contre son char, contre
lui-même.
Il invoque à la fin le dieu dont les travaux
Sont si célèbres dans le
monde :
« Hercule, lui dit-il, aide-moi. Si ton dos
A porté la machine ronde,
Ton bras peut me tirer
d'ici. »
Sa prière étant faite, il entend dans la nue
Une voix qui lui parle
ainsi:
« Hercule veut qu'on se
remue;
Puis il aide les gens. Regarde d'où provient
L'achoppement qui te
retient;
Ote d'autour de chaque
roue
Ce malheureux mortier, cette maudite boue
Qui jusqu'à l'essieu les
enduit; .
Prends ton pic et me romps ce caillou qui te nuit;
Comble-moi cette ornière. As-tu fait? - Oui, dit l'homme.
- Or bien je vas t'aider, dit la voix. Prends ton fouet.
- Je l'ai pris. Qu'est ceci? mon char marche à souhait:
Hercule en soit loué! » Lors la voix: « Tu vois comme
Tes chevaux aisément se sont tirés de là.
Aide-toi, le Ciel
t'aidera. »
Jean de La Fontaine, Fable XVII,
Livre VI.
Le Cheval et l'Ane
Fable de Jean de la Fontaine
Illustration de Gustave Doré