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Un marquis est une puanteur à lui
tout seul ! C’est terrible ! L’air du territoire en est pollué et
irrespirable !
Alors, le roi décide d’agir et d’employer les grands moyens …
Il confie une grande mission d’intérêt national au marquis sale…
Le marquis sale
dessin conte pour enfants
Il était une fois un marquis de la cour de roi, qui était très sale. Il ne se
lavait qu’une fois tous les deux ans, et ne changeait ses habits qu’à l’occasion
de la nouvelle année.
Son costume avait ainsi une couleur variable avec le temps : d’abord jaune d’or
en janvier, puis jaune palot en mai, et jaune pisseux en automne…
Autant vous dire qu’au mois de décembre, il n’avait plus rien de jaune, au mieux
du marron, et sinon une teinte indéfinissable couleur poussière.
Mais ce n’était pas tout. Il y avait les odeurs, et là, mesdames, messieurs,
toute une palette de nuances que je ne puis vous conter, tant elles changeaient
au fil du temps.
Bien entendu, plus on approchait du nouvel an, et plus c’était terrible… Ça
fouettait, tant et si bien, que le marquis pouvait être repéré plusieurs
kilomètres à la ronde.
Avant même de le voir, on le reniflait !
Un jour, le marquis voulut se rendre dans le village de Mafoie, au sud de la
France. Son cheval qui s’était bouché les naseaux avec deux carottes, pour ne
plus humer l’air puant, le conduisait gaillardement vers ce bourg.
Les Mafoyans furent d’abord alertés par les odeurs nauséabondes :
-« Ça sent le fromage pourri » dit l’un, « c’est sans doute Victor l’épicier qui
a dû oublier tout un lot de camemberts dans un coin ! »
-« Mais pas du tout » répondit Victor, « je n’ai rien oublié du tout, et puis le
fromage périmé, à côté de cette odeur infecte, ce serait comme un parfum de
luxe ! »
-« Moi, je me demande si nous ne faisons pas l’objet d’une attaque par une arme
chimique, qu’un ennemi de notre roi aurait déclenché… » suggéra un autre.
-« Tu n’y penses pas… Notre bon roi n’est pas en guerre, et personne ne pourrait
lui en vouloir autant pour diffuser une telle horreur… »
-« C’est terrible, nous allons mourir asphyxiés, car l’air devient de plus en
plus irrespirable ! »
-« Calfeutrez-vous dans vos maisons ! Allumez des bougies parfumées, collez-y
votre nez dessus, et attendez que ça se passe ! » dit alors le chef du village.
Aussitôt, tous les habitants rentrèrent à leur maison. Tous sortirent leurs
batteries d’eau de Cologne, d’après-rasages, de produits d’entretien, et même de
papiers toilettes parfumés à la lavande…
Tout était bon pour tenter d’enrayer la puanteur qui s’abattait sur le village.
Pendant ce temps, le marquis avançait. Il avait en fait une mission
d’importance : le roi lui-même lui avait demandé de traverser toute la France
pour rejoindre cet endroit perdu au fin fond de la campagne, afin de faire
passer aux habitants, le message suprême, cacheté à la cire.
Il ne devait l’ouvrir et le lire qu’une fois arrivé sur la place du village. Il
n’était plus très loin maintenant, d’ailleurs, il apercevait le toit des
maisons.
Il donna un coup de talon à son cheval pour qu’il avance plus vite. C’était
qu’il en avait plein les bottes de cette mission…
Certes, il était fidèle à son roi, et exécutait avec conscience la mission qui
lui avait été confiée. Mais il était fatigué et il avait hâte d’arriver.
Le voilà maintenant dans le village. Bizarre, tout était désert, les maisons aux
volets fermés, pas âme qui vive. Comment allait-il pouvoir lire son message, si
les habitants n’étaient pas là ?
Il attendit, pensant que ceux-ci allaient rentrer chez eux, mais rien ne vint…
Décidément, cette mission n’en finissait pas. Mais après tout, le roi ne lui
avait pas dit expressément qu’il fallait qu’il y ait du monde autour de lui. Il
devait simplement aller sur la place du village et lire le texte.
Alors, le marquis s’exécuta. Il décacheta le message et commença la lecture à
haute voix :
-« Mafoyans, Mafoyannes, ceci est un message de votre altesse royale. Il vous
arrive aujourd’hui un terrible fléau qui vous accable… Je le sais, et hélas,
j’en suis responsable. Je vous ai choisi car malheureusement, votre situation
éloignée de la capitale, vous conférait des atouts certains pour mener à bien la
rude mission que je vous demande aujourd’hui. Il s’agit d’hygiène et de
salubrité publique. Vous devez assainir votre air, et pour ce faire nettoyer
l’origine des émissions nauséabondes. Usez de tous les moyens en votre
possession. L’État vous remboursera. Je sais pouvoir compter sur votre loyauté
et votre courage. Mafoyans, Mafoyannes, sauvez le pays ! Vive la France ! Vive
le Roi ! Vive Mafoie ! »
Le marquis venait à peine de terminer le discours sacré que des fenêtres
s’ouvrirent en lui pointant dessus des jets d’eau mousseux. Le pauvre messager
du roi se retrouva aspergé de tout côté, et disparut bientôt sous la mousse.
Puis, des Mafoyans au nez masqué s’approchèrent de lui, armés de brosses, de
savons, et de parfums divers, et s’attaquèrent à la besogne.
Le marquis fut déshabillé et lavé de fond en comble. Il fallut plusieurs
semaines pour mener le travail au bout. Quand ce fut terminé, les Mafoyans
respirèrent.
Enfin, l’air était redevenu pur, transparent, plus chargé de cette puanteur
torride ! Mission accomplie ! Le roi allait être fier d’eux.
Peut-être qu’à Paris, ils sentaient déjà la différence… Hé bien oui ! Ils la
percevaient et s’en portaient beaucoup mieux…
Le roi décida d’envoyer tous les quinze jours le marquis en mission à Mafoie, où
il était tenu de prendre ses bains.
D’ailleurs, à la suite de ces évènements, le village changea de vocation et de
nom et s’appela désormais : Mafoie-les-Bains.
Créé le 4 février 2005 par Valérie Bonenfant
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