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Un conte où il n’est pas heureux
d’imposer ses désirs aux autres…
Un oiseau artiste recompose les paysages de la nature comme bon lui semble.
Mais les autres habitants des lieux n’ont pas envie de subir ces barbouillages
intempestifs, sans qu’on leur demande leur avis.
Alors, ils réagissent…
L'oiseau barbouilleur
dessin conte pour enfants
Calmer était un oiseau particulier. Son bec à lui était un grand pinceau, et
son plaisir était de composer des paysages dans la nature.
Il volait ainsi, l’œil à l’affût, et, quand il passait au-dessus d’un beau
paysage qui l’inspirait, il y mettait ses couleurs.
Une fois, il survola les magnifiques îles de l’océan pacifique, des atolls
entourés d’une eau couleur émeraude, et couverts de palmiers géants verdoyants.
-« Pas mal » se dit-il, « mais il y a un peu trop de vert à mon goût… »
Il composa alors un autre tableau, en créant une dominante de bleu : la mer bien
sûr, qu’il rendit d’un bleu clair, transparent. Puis, les plages, d’un bleu un
peu plus soutenu. Les palmiers qu’il transforma en grandes plantes mauves, tout
cela dans un ciel parme.
Calmer admira son œuvre :
-« Ah, quelle belle harmonie ! Comme c’est reposant à contempler… J’adore ! »
Content de lui, il poursuivit sa route, à la recherche de nouveaux paysages. Il
arriva en Afrique, et la savane, et ses habitants magnifiques, lui parurent
intéressants.
-« Quelle belle lumière… Et les animaux, quelle majesté ! Bien, je vais
magnifier tout cela… »
Calmer se mit alors au travail. Il sortit ses couleurs, et entreprit de
repeindre tout ça.
Le fil conducteur de son inspiration fut de créer des contrastes : là, certes,
c’était beau, mais un peu trop uniformes. Il décida que les tâches de couleur
parsèmeraient les animaux eux-mêmes.
-« Oui, la vie porte le vie ! Et pour la première fois, mon tableau sera animé.
Oh, génie que je suis ! Je m’épate moi-même ! »
Sur ces modestes considérations, Calmer se mit au labeur.
-« Tiens, l’éléphant, là, je vais le colorier en bleu. Et ces girafes, comme
leur costume est démodé ! Je vais le rafraîchir un peu : couleur cuir, avec des
paillettes… C’est quand même plus rock’n roll ! Et ces zèbres en pyjama… Il fait
jour mes gaillards : une belle couleur soleil, et l’on ne verra que vous ! Quand
à ces crocodiles verts quelconques, on dirait des sacs ambulants ! Tiens, j’en
fais un rose, un autre orange, et enfin, un rouge… »
Calmer allait continuer ses barbouillages, quand un concert de protestations se
fit entendre.
-« Hé, mais qu’est-ce que ce bruit ? Je crée des tableaux, mais ils n’ont pas
encore le son… Alors, un peu de silence s’il vous plaît ! »
Mais les cris continuèrent :
-« Mais qui est cet hurluberlu qui nous change nos couleurs, et nous revêt de
costumes ridicules… » râla une girafe rockeuse.
-« Un éléphant bleu ! Si ma maman me voyait, elle ne me reconnaîtrait pas !
Quelle honte ! » gémit l’éléphant barbouillé.
-« Et des crocodiles affublés ainsi ! Avec ces couleurs flashis, on nous repère
à des milles… Autant vous dire qu’on n’est pas prêts de capturer une proie… »
grogna le reptile.
-« Quelles sottes considérations ! Je vous parle esthétique, et vous me répondez
des banalités… Or, c’est une chance pour vous qu’un grand artiste comme moi, se
soit penché sur vos pauvres conditions. Admirez le résultat, ouvrez vos yeux… »
prôna Calmer.
Mais les mines déconfites le renseignèrent sur leur perception plutôt négative
du résultat.
-« Nous allons à la rivière nous rincer » dirent-ils en guise de réponse.
-« Bon. Et bien, puisque vous le prenez comme ça, je vais peindre la savane
elle-même. Elle au moins ne râlera pas… » dit sur un air pincé, l’oiseau
barbouilleur.
-« Ah non ! » clamèrent en chœur, les animaux de la savane, « tu ne toucheras
pas un poil de notre paysage, ou sinon, il va t’arriver des bricoles… »
-« Des menaces maintenant ! Ah, j’aurais tout entendu ici ! Oh et puis zut !
Vous me coupez mon inspiration. Tant pis pour vous, je m’en vais ! » décida
Calmer.
Malheureusement pour l’oiseau, cette expérience se reproduisit un peu partout
ailleurs. Les habitants des lieux ne voulaient pas entendre parler d’un
quelconque changement de couleur.
Même dans le désert, pourtant peu fréquenté, la vie, c’est-à-dire les scorpions,
les serpents, les renards…etc, s’opposèrent à l’intervention de l’oiseau
barbouilleur.
Le pauvre n’arrivait plus à exprimer son art. Il s’exila alors, comme d’autres
artistes avant lui, et établit son atelier dans l’espace.
Là enfin, il pouvait mettre des couleurs sur les étoiles, sans gêner les autres.
Et c’est grâce à lui que parfois, dans le ciel, nous pouvons reconnaître une
étoile aux reflets irisés.
Créé le 9 août 2005 par Valérie Bonenfant
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