| |
L’histoire d’un bon petit soldat, quelque peu naïf…
Jaffa, un moustique, met sa vie au service de la lutte contre les vilaines
grenouilles…
Sa première mission, plutôt dangereuse, manque de mal se terminer !
Heureusement, il parvient à se réfugier dans un endroit invisible et
inaccessible.
De là, il va découvrir des informations, qui vont quelque peu ébranler son
engagement…
Jaffa le moustique kamikaze
dessin conte pour enfants
Jaffa était un moustique
plein de hardiesse et d’énergie contenues. Pour lui, pas question de se
contenter de voleter oisivement, en ronronnant de son petit moteur. Il voulait
voler utile.
Il chercha quelque temps une noble cause à laquelle il adhérerait de tout son
être… Et il la trouva !
Dans un coin du marais, il tomba sur un compatriote, Zardine, le chef d’une
organisation qui voulait libérer l’étang des grenouilles. Il lui expliqua les
raisons d’une telle mobilisation.
-« Les grenouilles sont nuisibles. Elles mangent les moustiques du marais, alors
que ceux-ci étaient historiquement là avant elles ! J’ai retrouvé en effet, dans
les archives du marais, la trace de Mauritius le moustique, qui a vécu à
l’antiquité, bien avant que toute grenouille ne soit apparue ! Figure-toi qu’on
a retrouvé ses reliques, coincées entre deux feuilles mortes ! Sans doute a-t-il
été malencontreusement écrasé ? Aujourd’hui, son apparence est quelque peu
aplatie, mais on peut malgré tout aller avec bonheur, s’y ressourcer. »
Jaffa écoutait consciencieusement, sans dire mot. Zardine continua :
-« En outre, les grenouilles sont des êtres brutaux et indélicats. Il n’y a qu’à
écouter leur chant médiocre, fait de Coah Coah…, continus, et les regarder
plonger, sans grâce et sans égard pour les animaux aux alentours…C’est pourquoi
notre cause est juste… Nous avons besoin d’esprit fort et hardi comme le tien,
pour combattre ces maudites bestioles ! Rejoins notre mouvement ! »
Jaffa sentait ses ailes et se pattes lui démanger. Il avait envie d’en découdre
avec ces satanées grenouilles. N’avait-il pas failli, lui aussi, être croqué
tout cru, par une de ces bêtes, qui avait envoyé sa langue juste à côté de lui ?
Rien que d’y penser et sa hargne montait ! Zardine lui lança alors le dernier
argument qui acheva de le convaincre.
-« Notre village, installé là-bas dans les roseaux, a essuyé les attaques d’une
armée de grenouilles qui, non seulement ont tout saccagé, mais aussi dévoré
toutes nos larves nécessaires à la survie de notre espèce… »
Ces propos horrifièrent le pauvre Jaffa. Quelle honte ! C’était d’accord, il se
mettait immédiatement au service de cette noble cause : les bons moustiques,
contre les méchantes grenouilles.
-« Je suis prêt pour le combat ! Quels sont les ordres ? » demanda fébrilement
Jaffa.
Sans tarder, Zardine lui confia sa première mission.
-« Tu pars en repérage, au-dessus de leur base, sur le nénuphar géant. Tu
écoutes discrètement tout ce qu’elles complotent, et tu reviens nous faire ton
rapport. »
Aussitôt dit, aussitôt fait ! Jaffa se mit en route vers le gros nénuphar, le
vol coléreux, la mine revêche.
-« Ah, elles allaient voir ce qu’elles allaient voir, ces maudites batraciennes
! »
L’objectif était en vue, il fallait jouer fin maintenant. Le moustique plongea
un coup dans la boue, histoire de se revêtir d’une tenue de camouflage. Puis, il
coupa les gaz pour ne pas se faire repérer. Jaffa planait en cercles
concentriques, au-dessus des grenouilles dans le silence le plus total.
-« Bloup… Fait beau aujourd’hui… Clapotis… Frisquette… » entendit-il.
Qu’est-ce que cela voulait donc dire ? Il n’y comprenait rien. Tout doucement,
il descendit, pour mieux saisir les conversations.
-« Bientôt, la deuxième série de ponte… Miam… Fait faim en ce moment… »
Oh oh ! Voilà qui se précisait ! Un complot ! C’était sa chance, il fallait
qu’il en sache plus… Alors tant pis, il prit tous les risques, il s’approcha
encore davantage. Il pouvait voir l’œil glauque de la grenouille qui fixait le
paysage au loin. Toujours en planant, il tournoyait au-dessus de leurs têtes.
Soudain, branle-bas de combat ! Une grenouille, surgie de nulle part, lui sauta
sur le coin des ailes, et faillit le gober goulûment ! Bigre ! La langue n’était
pas passée loin.
Mais en voilà une autre qui voulait lui mettre le grappin dessus. Et encore une
autre ! Puis une autre! Quel succès ! Jamais il n’avait mobilisé autant
d’intérêt à lui tout seul !
C’était sans doute lié à sa nouvelle activité qui faisait de lui une menace
flagrante à abattre pour les grenouilles.
Ouf ! Encore tout près, cette fois-ci, il l’avait échappé belle ! Il devenait
urgent de se mettre à l’abri. Il fila vers les grands roseaux où il était sûr de
se trouver une cachette. Derrière lui, une dizaine de grenouilles le suivaient,
la langue pendante, prête à l’attraper. Ca chauffait ! Il s’engouffra dans le
premier roseau creux qui lui tomba sous les ailes. Ouf, sauvé !
Il entendit les bonds lourds des grenouilles qui cassaient des rameaux autour de
lui. Elles ne l’auraient pas, il était invisible dans cette tige ! Par un petit
trou, il jeta un coup d’œil dehors. Plus de grenouille… Personne… Ah si, Zardine
au loin qui arrivait, avec son lot de partisans. Mais que disait-il ?
-« Bon les amis, ce stupide Jaffa a dû servir de repas aux grenouilles. Tant pis
pour lui, il n’avait qu’à être plus malin. De toute façon, il n’était bon qu’à
faire le kamikaze, et a détourner les grenouilles de leur nénuphar. Appelez
maintenant les abeilles pour qu’elles viennent se régaler sur les grandes
fleurs. Et rappelez leur bien les termes de notre marché : des fleurs de
nénuphar libérées, contre du nectar… Allez, filez ! »
Quoi ? C’était donc ça la noble cause pour laquelle il avait risqué sa vie :
donner du nectar à ce moustique sans scrupules. Mais quel crétin, il avait fait
! Ce Zardine l’avait embobiné comme un écolier ! Et lui qui avait cru être au
service du combat du bien contre le mal… ! Fadaises, oui !
Jaffa s’extirpa de sa tige avec peine. Cette aventure avait failli lui être
fatale, mais lui avait servi de leçon. Il venait de comprendre une chose
importante : la cause la plus noble pouvait cacher des turpitudes. Pour agir
pour le bien, mieux valait se fier à son instinct qu’à celui des autres…
Créé le 11 avril 2007 par Valérie Bonenfant
| |
|